Entretien avec la Docteure (Dre) Marie-Reine Hoareau |21 May 2021

La Docteure Marie Reine Hoareau
Ěý« Les vrais enseignants sont passionnĂ©s par leur travail et ne l’abandonnent jamais »
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La Docteure Marie-Reine Hoareau a pris sa retraite cette année de l’éducation nationale. Avec la pandémie qui a pris le devant, nous n’avons pas pu écrire sur cette grande dame Seychelloise qui a façonné plusieurs projets pour le développement de l’éducation.
De 2007-2020, elle a été la secrétaire générale de la Commission nationale seychelloise de l’UNESCO (L’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la science et la culture) en coordonnant l’action de l’UNESCO principalement pour ses secteurs éducation, culture, communication et sciences. Elle a été aussi, pendant deux ans, la secrétaire générale de la Commission nationale seychelloise de la Francophonie.
Maintenant Ă la retraite, elle en a toujours des idĂ©es et projets en poche et Dr. Hoareau nous a accordĂ© quelques minutes pour en savoir plus sur elle. Bonne lectureĚý!
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91Ďă˝¶ĘÓƵ NATIONĚý: Qui est Dre Marie Reine HoareauĚýet veuillez raconter Ă nos lecteurs votre parcours de votre enfance Ă votre jeune âge ?
Dre HoareauĚý: Je suis nĂ©e Ă Rivière Anglaise et suis la dixième enfant d’une famille de douze.Ěý Autant que je me rappelle j’ai connu une enfance douce et heureuse. A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de divertissements mais on se contentait de peu. Je me rappelle encore de notre premier gramophone, de notre premier frigidaire, de notre première voiture ‒ de grands Ă©vènements qui ont marquĂ© ma vie d’enfant. Je jouais avec les voisins aux jeux traditionnelsĚýtels le cache-cache (kouk), les rondes, et konos (Ă©quivalent du jeu des osselets).Ěý Le dimanche, on allait se promener jusqu’à la vieille chaussĂ©e (long pier). Contrairement Ă mes amies, je ne savais faire ni la couture, ni la cuisine. Par contre, j’avaisĚý toujoursĚý un livre en main. La lecture, c’était ma passion! J’aimais lire et mĂŞme relire les mĂŞmes livres. J’étais nulle en mathĂ©matiques (je le suis toujours) mais très forte en langues.ĚýĚýĚý
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91Ďă˝¶ĘÓƵ NATIONĚý: Parlez-nous de votre parcours Ă©ducationnel.
Dre HoareauĚý: J’ai fait mes Ă©tudes primaires et secondaires au Couvent de Regina Mundi (1957-1970) Ă Mont Fleuri. Ensuite j’ai poursuivi mes Ă©tudes de «ĚýAdvanced LevelĚý» (Form 6) au 91Ďă˝¶ĘÓƵ College (1971-1972) toujours Ă Mont Fleuri en face du Couvent. En octobre de la mĂŞme annĂ©e, j’ai obtenu une bourse d’études du gouvernement français pour poursuive des Ă©tudes universitaires en France. J’ai dĂ©butĂ© la première annĂ©e des Ă©tudes Ă Lille au nord puis je suis descendue Ă Paris oĂą j’ai obtenu en 1976 ma licence de français Ă l’UniversitĂ© de la Sorbonne Nouvelle.Ěý
En 1979, j’ai donné naissance à des filles jumelles ‒ Nicole et Catherine.
En 1993, j’ai obtenu la maĂ®trise en Sciences du Langage. Mention ąó°ů˛ą˛Ô粹ľ±˛ő langue Ă©trangère et en 1997, le DEA (DiplĂ´me d’études approfondies) en Sciences du langage, Didactique et SĂ©miotique Ă l’UniversitĂ© de la Franche ComtĂ© Ă Besançon. Mes recherches de DEA portaient sur les expressions imagĂ©es dans le contexte trilingue seychellois.
En 2010, j’ai Ă©tĂ© admise au grade de Docteure Ă la suite des Ă©tudes de doctorat en Sciences du Langage d’abord Ă l’UniversitĂ© d’Aix en Provence puis Ă l’UniversitĂ© de la RĂ©union. Ma thèse Ă©taitĚý intitulĂ©eĚý: Langues en contactĚý: Le cas du trilinguisme seychelloisĚý: l’anglais, le crĂ©ole et le français.
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91Ďă˝¶ĘÓƵ NATIONĚý: Parlez-nous de votre vie professionnelle?
Dre HoareauĚý: En 1973, j’ai dĂ©butĂ© ma carrière dans l’enseignement comme supplĂ©ante Ă une Ă©cole secondaire publique pour filles ‒ Ă©cole de Sainte Agnès. Je n’avais aucune idĂ©e du mĂ©tier d’enseignante mais j’ai fait de mon mieux. J’aimais beaucoup ĂŞtre dans la classe avec les Ă©lèves au point oĂą j’étaisĚý très triste quand je les ai quittĂ©es pour aller en France pour les Ă©tudes.
A mon retour aux 91Ďă˝¶ĘÓƵ, j’ai Ă©tĂ© recrutĂ©e en juillet 1976 comme enseignante de français au 91Ďă˝¶ĘÓƵ Collège oĂą j’ai pu enseigner aux Ěýgarçons Ă diffĂ©rents niveaux d’études dans les classes secondaires appelĂ©es «ĚýFormĚý» (Form 1-5). J’ai Ă©galement enseignĂ© le français aux classes mixtes de «ĚýA-LevelĚý» (de 1976 Ă 1980).
J’ai bien aimé mon travail au collège comme les élèves étaient adorables, motivés et respectueux.
En mars 1980, j’ai Ă©tĂ© donc affectĂ©e au Ministère de l’Education Ă La Bastille pour travailler sur le curriculum de français pour les cycles primaire et secondaire. J’ai acceptĂ© ce travail administratif avec beaucoup de rĂ©ticence et de regret, car je voulais rester plus longtemps dans l’enseignement. Ensuite le ministère a dĂ©mĂ©nagĂ© au couvent de Regina Mundi et j’y suis restĂ©e plus de 20 ans comme responsable de la section chargĂ©e du curriculum de français. Avec le temps, ce travail m’a procurĂ© beaucoup de satisfaction professionnelle dans la mesure oĂą il comprenait une diversitĂ© de tâchesĚýet responsabilitĂ©s entre autres ; concepteur de manuels de français,Ěý concepteur d’examens pour les cycles primaire et secondaire, formatrice (formation continue des enseignants) et conseillère pĂ©dagogique qui comprenait des visites aux Ă©coles publiques primaires et secondaires.Ěý
En 1999, j’ai connu une nouvelle direction dans mon parcours professionnel quand j’ai Ă©tĂ© nommĂ©eĚý directrice de la coopĂ©ration et formation internationale. Les activitĂ©s comprenaient la gestion des affaires internationales ainsi que des bourses des Ă©tudiants inscrits dans les universitĂ©s Ă l’étranger.ĚýĚý
J’ai occupĂ© un nouveau poste de directeur de coopĂ©ration technique en 2000 puis conseillère technique pour les relations internationales en 2004 oĂą j’ai approfondi ma connaissance et acquis beaucoup d’expĂ©rienceĚý en relations internationales.
Pendant plus de deux dĂ©cennies, j’ai rĂ©alisĂ© plusieurs projets de coopĂ©ration bilatĂ©rale et multilatĂ©rale. J’ai reprĂ©sentĂ© le ministère Ă de nombreux colloques, confĂ©rences et sĂ©minaires rĂ©gionaux et internationaux dans diffĂ©rents domaines de l’éducation dans plusieurs paysĚý francophones (y compris la rĂ©gion de l’OcĂ©an Indien) et anglophones. Durant cette pĂ©riode, j’ai Ă©tĂ© la correspondante nationale de la CONFEMEN (ConfĂ©rence des ministres de l’éducation ayant le français en partage), coordonnatrice de l’éducation pour l’action de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie).
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91Ďă˝¶ĘÓƵ NATIONĚý: Quelle a Ă©tĂ© votre rĂ´le en tant que secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la Commission de l'UNESCO aux 91Ďă˝¶ĘÓƵ ?
Dre HoareauĚý: De 2007-2020, j’ai assumĂ© la responsabilitĂ© de secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la Commission nationale seychelloise de l’UNESCO en coordonnant l’actionĚý de l’UNESCO, principalement pour ses secteurs Ă©ducation, culture, communication et sciences. Je participais aux confĂ©rences gĂ©nĂ©rales bisannuelles de l’UNESCO et Ă travers son programme de participation, plusieurs institutions nationales et ministĂ©rielles ont bĂ©nĂ©ficiĂ© des fonds pour diffĂ©rents projets de renforcement de capacitĂ©s nationales.ĚýĚýĚý
En 2002, j’ai eu l’honneur d’être dĂ©corĂ©e Chevalière du MĂ©rite National par le PrĂ©sident de la RĂ©publique française, Monsieur Jacques Chirac, pour maĚý contribution Ă la promotion de la langue française et de la francophonie aux 91Ďă˝¶ĘÓƵ. J’ai aussi participĂ© activement aux travaux de la Commission Nationale de la Francophonie pendant plusieurs annĂ©es.
Je suis membre au Komite nasyonal lalang kreol et je participe activement aux travaux de recherche sur le créole seychellois et je fais partie de l’équipe d’élaboration du dictionnaire unilingue du Kreol. Je suis aussi présidente de la Commission nationale des medias.
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91Ďă˝¶ĘÓƵ NATIONĚý: Quels sont vos meilleurs souvenirs de votre parcours dans le secteur d’éducationĚý?
Dre HoareauĚý: Pendant plus de quatre dĂ©cennies en Ă©ducation, j’ai beaucoup aimĂ© le travail en Ă©quipe avec les enseignants de français pour les actions de formation pĂ©dagogique et aussi la promotion de la francophonie dans nos Ă©coles.
C’était toujours un plaisir de faire des visites pĂ©dagogiques pour rencontrer les enseignants, devenus pour la plupart des amis, et leur apporter des conseils. J’aimais aussi produire des manuels de classe pour les Ă©lèves et le maĂ®tre en fonction de la demande des enseignants et des intĂ©rĂŞts des Ă©lèves. Pour ce qui concerneĚýla coopĂ©ration et relations internationales, j’ai pu Ă©tablir de bonnes relations de travail avec les collègues aux 91Ďă˝¶ĘÓƵ et Ă l’étranger. Lors de ma participation Ă de nombreux sĂ©minaires professionnels, confĂ©rences, stages et missions Ă l’étranger, j’ai Ă©tĂ© fascinĂ©e par la culture des autres ‒ une expĂ©rience formatrice et enrichissante.
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91Ďă˝¶ĘÓƵ NATIONĚý: Quels conseils procuriez-vous aux jeunes d’aujourd’hui qui ne s’intĂ©ressent pas Ă l’enseignementĚý?
Dre HoareauĚý: Il est vrai que les jeunes de nos jours ne sont pas très attirĂ©s par l’enseignement. Nous pouvons comprendre qu’ils ont aujourd’hui, un plus grand choix de mĂ©tiers, par rapport au passĂ© quand l’enseignement Ă©tait parmi les seuls mĂ©tiers disponibles dans la sociĂ©tĂ© seychelloise. Il ne faudra pas cacher non plus que l’enseignement est un mĂ©tier très exigeant qui demande beaucoup de courage et d’énergie. Pour devenir enseignant il faut avoir envie de pratiquer cette profession noble avec tout son cĹ“ur. On ne quitte pas ce mĂ©tier pour aller ailleurs pour un meilleur salaire ou plus de confort. Les vrais enseignants sont passionnĂ©s par leur travail et ne l’abandonnent jamais.ĚýĚýĚýĚýĚý
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91Ďă˝¶ĘÓƵ NATIONĚý: Quels sont vontĚý loisirs et comment prĂ©parez-vous votre retraiteĚý?
Dre HoareauĚý: En tant que chercheure, je m’intĂ©resse beaucoup Ă l’usage de nos langues nationales dans notre contexte trilingue. Bien sĂ»r je suisĚý passionnĂ©e (depuis ma jeunesse) par des expressions imagĂ©es dans nos trois langues. J’aime beaucoup faire la pâtisserie, regarder la tĂ©lĂ©vision (actualitĂ©s, documentaires et films) et lire tout ce qui est Ă portĂ©e de la main. Je suis sur Whatsapp (mais pas sur Facebook) pour rester toujours en contact avec la famille et les amis.ĚýĚý
Après 44 ans au Ministère de l’Education, la retraite reprĂ©sente une nouvelle vie pour moi. J’ai beaucoup Ă faire et j’ai plus de temps Ă consacrer Ă mes petits-enfants et Ă mes loisirs.Ěý
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Entretien réalisé par Vidya Gappy
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